23e dimanche du temps ordinaire. « Effata, ouvres-toi ! »
La scène ne se déroule pas sur la terre d’Israël. Jésus se trouve hors de son pays. Cet homme sourd et à moitié muet ainsi que les « gens » qui l’accompagnent n’ont pas sa religion, la religion du Dieu unique et les pratiques qui en découlent, codifiées par Moïse. Ce sont des païens. On dirait aujourd’hui des non-croyants. Or, même non-croyants, ils espèrent.
Et l’espérance prend corps en Jésus. Et Jésus guérit : « Effata, ouvres-toi ! » Car entendre et parler sont essentiels à la communication.
Comment l’handicapé a-t-il pu se trouver sur son chemin ? Sourd, il n’a pas pu entendre parler de Jésus (le lange des signes n’existe pas alors). Il est muet ou presque. Conclusion : il lui a fallu de l’aide. Les handicapés qui nous éblouissent lors des jeux paralympiques le peuvent non seulement par leur volonté et leurs compétences mais aussi grâce à leurs entraîneurs, à leurs équipes, au soutien de leurs amis. Chez tous, l’espérance est là qui refuse le fatalisme.
L’espérance est là, ce matin. Nous nous reconnaissons handicapés. Nos surdités, nos mutismes, nous les connaissons. Surdité devant la Parole de Dieu, devant le malheur des autres, devant les engagements à prendre. Mutisme au lieu de la prière à Dieu, au lieu la parole de réconfort à celui ou celle qui en a besoin.
Nous avons besoin des autres pour nous conduire jusqu’au Christ. Nous avons besoin en particulier de ceux et celles qui vivent d’espérance, croyants ou non. Nous avons besoin des non-croyants – que la foi nous différencie est toujours une question : pourquoi moi et pas lui, pas elle ? –, mais les non-croyants ont besoin de nous. De nous ? Ils ont besoin, comme nous, du Christ.
Nous le savons, si quelqu’un souffre, physiquement et moralement, enfermé dans ses problèmes, lui dire les plus belles paroles, il n’entend pas. Ils sont nombreux ainsi. Aujourd’hui, au moins, nous pouvons les présenter au Christ. Et puis, nous nous présentons avec eux. Et, par une sorte de renversement, voilà que je suis au milieu de la foule des non-croyants, mal-croyants, pas assez croyants…
Comme au sourd-muet de l’évangile, le Christ me dit alors : «Effata. Ouvre-toi ! » À la suite du prophète Isaïe, j’entends : « Ne reste pas enfermé dans tes soucis personnels, tes blocages (y compris sur moi). Je sais qu’ils sont importants. » « Donne-les moi, tes problèmes et tes blocages. Cela te pèsera moins lourd… » « Ouvre-toi au Dieu créateur, ouvre-toi aux autres. Ouvre-toi au monde. Ouvre-toi à l’avenir, aux défis d’aujourd’hui, de demain, du monde d’après. Rejoins ceux et celles qui s’engagent pour la Création confiée par le Créateur et abîmée par tes semblables. Rejoins ceux et elles qui, intrigués par moi, Jésus, ont envie d’aller plus loin, de raviver ce qui sommeille au fond d’eux-mêmes. »
Et Jésus continue : « Toi qui viens régulièrement m’écouter le dimanche et recevoir le pain de vie, tu n’es un non-croyant puisque tu es là. Alors que ta foi te pousse à aimer, à agir, à retrouver et maintenir l’espérance. Selon tes forces. Force du regard, force des mains, de l’intelligence, du cœur. »
Ainsi, l’espérance pourra se maintenir. L’espérance d’un monde où il n’y a plus de sourds, de muets, d’aveugles, de paralysés du cœur et de l’âme. « Effata, ouvres-toi ! » (Gérard Billon)
21e dimanche du temps ordinaire (avec baptêmes) : il faut choisir…
Dans la vie, il y a de moments où il faut choisir… C’est banal de le dire, mais pas toujours facile à vivre. Ainsi, nous avons choisi de venir ici, peut-être par habitude, peut-être en trainant les pieds, peut-être avec joie. Ce choix est un engagement. Un geste d’amour pour Dieu, pour les autres… Pour vous les parents de Ambre et de Vanillah, c’est certainement un geste d’amour.
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ». La réplique de Pierre exprime comme une nécessité interne. On pourrait la déployer : « À qui irions-nous d’autre que Toi, après tout ce que nous avons vu et entendu, après ces mois, ces années de compagnonnage… cela s’impose comme une évidence. » L’évidence, est le fruit de tout un cheminement où les surprises, les étonnements mais aussi les perplexités, les incompréhensions, les doutes, n’ont pas manqué, ne manquent pas. À qui irions-nous ? Qui pourrions-nous suivre ? Certains t’abandonnent. Pas nous…
Nous, nous croyons et nous acceptons de te suivre, Toi. Quoiqu’il en coûte.
La démarche de Josué est parallèle. Le peuple d’Israël, sorti d’Égypte, a vécu quarante années de désert. Dieu les a accompagnés. Ou plutôt il les a précédés, guidés, nourris, menés à la dure parfois, bref il les a éduqués. Le peuple a expérimenté le compagnonnage avec son Dieu ; Maintenant, là, pour continuer le chemin, il faut se décider : « choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir ».
Dans la vie, il y a des moments où il faut choisir. Choisir de se marier. Choisir de demander le baptême pour son enfant. Choisir de changer d’orientation professionnelle. Choisir d’écouter Dieu. Choisir d’écouter, de recevoir, de nous laisser transformer…
Dieu nous aime et son amour est exigeant. Il nous propose des choix de vie : pas seulement l’exécution de rites formels mais un genre de vie, priant et fraternel. Josué dit : « Réfléchissez bien, prenez votre temps sans trop tarder non plus. Décidez-vous, l’indécision est stérile. »
En christianisme comme en judaïsme, l’acte de foi est, comme tout acte d’amour, une décision libre, consciente, informée, éprouvée, mûrie. Tout l’inverse d’une croyance naïve et vaguement superstitieuse.
Notre acte de foi porte sur un contenu solide, clair. Il vient de notre tradition, de nos familles, de nos catéchistes, de notre Église. À la suite de Pierre, nous nous lançons : « tu as les paroles de la Vie éternelle, pas seulement la vie biologique mais la Vie éternelle ! La vie que le Christ a donné pour l’Église. La vie que, dans le mariage, l’homme et la femme se donnent réciproquement. La vraie vie que nous recevons chaque dimanche. La vie de Dieu que vont recevoir Ambre et Vanillah. (Gérard Billon)
20e dimanche du temps ordinaire : la chair et le sang de Dieu
Depuis plusieurs dimanches, nous sommes mis devant deux réalités : les besoins et les attentes des êtres humains, la bonté de Dieu qui nous donne ce dont nous avons besoin. À nos faims d’amitié, de fraternité, à la recherche du sens à donner à notre vie, Jésus a invité à se nourrir du don de Dieu : il y a eu la manne et, plus important encore, lui-même, ses paroles et ses actes. Il s’est dévoilé comme « le » don de Dieu : « Je suis le pain descendu du ciel » et encore « Je suis le pain vivant », « le pain de la vie ». Un pain dont la matière est sa « chair », c’est-à-dire, son humanité.
Que ses interlocuteurs ne comprennent pas… se comprend. Car la « chair », notre chair, notre humanité, est vouée à disparaître. Poussière nous sommes et poussière nous retournerons. Jésus, aujourd’hui, précise donc un élément capital : il nous faut recevoir non seulement sa chair mais son sang.
Il en a déjà parlé mais il y revient : la vie que Dieu donne – et tout est déjà dans le baptême – triomphe de la mort. La vie éternelle soigne nos blessures, réjouit nos tristesses et transforme nos médiocrités en gestes de bonté et de beauté.
Le sang c’est la vie. Une blessure, il s’écoule et nous nous inquiétons. Le cœur s’arrête de battre et nous mourons. Or – et cela nous étonne – le sang qui a coulé du côté ouvert du crucifié n’est pas le sang d’un mourant, mais de quelqu’un qui est en train de renaître, joyeux, libre, glorieux, de quelqu’un qui désire nous faire renaître…
Dans chaque eucharistie, nous faisons mémoire de l’incarnation de Jésus, de sa Passion, de sa Résurrection. Dans chaque eucharistie s’effectue – passez-moi l’expression – une transfusion. Transfusion de la vie de Dieu en nos vies.
Dans chaque eucharistie, nous nous nourrissons de l’humanité de Jésus, de ses paroles, de ses actes. Ici ou en-dehors, nous les lisons, nous les écoutons, elles nous marquent, nous inspirent. L’humanité de Jésus est un pain qui donne la vie.
La divinité de Dieu est un vin qui donne la joie.
Dieu, en Jésus, nous a aimé jusqu’à mourir pour nous, de manière injuste, solidaire de tous ceux et celles que nous méprisons, que nous jugeons, crucifiés de chaque côté de lui.
Ainsi, on peut aimer jusque là ? Qu’est-ce que l’amour s’il ne se donne jusqu’au sang ?
Une hostie, ce n’est qu’un peu de farine et d’eau. Quant au vin, c’est un liquide produit de la vigne. Offerts, priés et chantés, nous en racontons l’histoire. Histoire de vie et de mort, de besoins humains et de réponse divine. Histoire qui va nous nourrir. En prenant un peu de ce pain « eucharistié », c’est le sang de Dieu qui va couler dans nos veines. Un sang pour aimer, pour ouvrir les bras, pour rire à la vie, pour partager notre foi, notre joie…
J’imagine Dieu comme la femme du livre des Proverbes : elle a tout préparé. Mais ses invités vont-ils quitter leur confort ? Allons-nous quitter notre confort pour recevoir ce qu’ils n’avaient jamais osé imaginer : Dieu lui-même. (Gérard Billon)