Baptême de Jésus : trois aspects de l’espérance
La liturgie d’aujourd’hui ouvre le temps ordinaire et nous place devant trois aspects de l’espérance. Pendant l’Avent, nous avons entendu la prédication de Jean le baptiste. « Le peuple était en attente » signale saint Luc. Qu’attendait-il ? Le Messie ? Oui. Pour que les choses aillent mieux. C’est un premier aspect de l’espérance et elle largement partagée par tous.
En les baptisant, Jean entretenait cette espérance : « Tenez bon, changez de vie et la vie changera… » Plongés dans l’eau du Jourdain, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, croyants et mal-croyants acceptaient de se débarrasser des anciennes conduites pour regarder avec confiance l’avenir. Ils ne se plongeaient pas eux-mêmes mais demandaient à Jean de le faire. Pourquoi ? Parce qu’ils étaient conscients que le vrai changement n’est pas d’abord le résultat d’un effort de soi-même mais l’accueil d’un cadeau, un cadeau qui vient d’un autre, de loin, de Dieu.
Jésus est baptisé à la suite du peuple. Il prend ainsi à son compte l’espérance de tous, notre attente de jours meilleurs. Puis, à l’écart, il la porte dans sa prière, il la fait monter à son Père. Et l’espérance commune laisse apparaître un deuxième aspect quand Dieu notre Père qui est aux cieux fait descendre sur lui l’Esprit saint. L’Esprit saint donne souffle, donne vie. L’espérance commune alors prend chair en Jésus. L’espérance est commune, premier aspect. Elle est en train de se réaliser, deuxième aspect : dans l’Église et en chacun de nous, apparaissent alors « justice et piété » comme le dit saint Paul.
L’Esprit saint est venu sur chacun de nous, lorsque nous avons été baptisés et lorsque nous avons été confirmés. Par le signe de l’huile parfumée dont nous avons été imprégnés, l’Esprit nous donne une force fragile. Force divine. Fragilité humaine. Dans notre prière, nous portons l’espérance des hommes, plus particulièrement l’attente d’une communauté « ardente à faire le bien ». Dans l’Eucharistie, tout à l’heure, en votre nom, j’invoquerai l’Esprit sur les offrandes du pain et du vin d’abord, sur nous tous ensuite : que nous soyons « rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps » ! Que nos corps si divers, animés par l’Esprit saint, imprégnés par lui de beauté et de légèreté, deviennent un seul corps dans le corps offert du Fils de Dieu !
Rien de spectaculaire dans cette espérance en train de se réaliser. Juste des choses banalement extraordinaires où sont sollicités notre intelligence, notre fraternité, notre solidarité.
Notre intelligence pour regarder avec bienveillance le monde qui est le nôtre. Qu’il n’aille pas bien est une chose. Le condamner en est une autre.
Notre solidarité avec tous ceux et celles qui sont déboussolés mais qui continuent à espérer. Notre solidarité devient fraternité dans une prière confiante à Dieu notre Père et dans la lutte contre la jalousie, le désir d’avoir toujours raison, les attitudes qui divisent et excluent.
Et nous commençons à discerner un troisième aspect de l’espérance chrétienne. Toutes nos conduites de justice et de piété se font dans l’attente de « la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ ». À la fin des temps. Rien n’est insensé. Tout a un sens.
Le monde beau et bon est déjà là, en Jésus, espérance réalisée. Nous espérons son achèvement. Et la venue du Christ donne sens et donne du prix à nos tentatives et nos maladresses quand il s’agit de prier et d’agir. Afin que l’espoir des hommes devienne espérance lumineuse. (Gérard Billon)
Epiphanie
Le texte d’Evangile que nous venons d’entendre est la 2ème étape importante dans le voyage que nous avons commencé tous ensemble lors du 1er dimanche de l’Avent.
Avec les mages nous allons découvrir que Celui qui nous met en route est Celui qui déjà nous habite. Un peu comme saint Augustin, qui fut lui aussi un grand voyageur et qui a résumé son périple en disant : “Longtemps je t’ai cherché, j’étais dehors et tu étais dedans.”
Alors si vous le voulez bien nous allons voir ensemble ce qui nous met en route pour le voyage, puis la rencontre que ce voyage permet :
- Ce qui nous met en route pour ce voyage : Comme pour les mages nos voyages commencent toujours par un signe, car Dieu nous envoie de multiples signes, c’est Lui qui cherche à nous donner la réponse, la réponse à l’attente qui nous habite, à notre désir de comprendre on ne sait pas vraiment quoi, mais on cherche, on regarde, puis tout d’un coup un signe que l’on voit, nous parle comme une évidence, il ne dit pas tout, mais il encourage à aller de l’avant. C’est ainsi que nos mages sont arrivés à Bethléem.
- Ces signes que Dieu nous envoie, nous avons souvent beaucoup de mal à les voir et c’est ce qui se passe à Bethléem. Des païens qui “cherchent le roi des juifs qui vient de naître”, cela pourrait être un bien grand signe pour tous les habitants, tous savent qu’un messie, un roi, leur sera envoyé, les plus savants connaissent même le lieu de sa naissance. Mais non, personne ne bouge ! Curieusement le “savoir” peut être un obstacle qui empêche de voir les signes. Quoiqu’il en soit, lorsque les mages informés par l’Ecriture partent de Jérusalem vers Bethléem, alors le signe qui avait disparu de nouveau devient visible, le signe vient de confirmer l’Ecriture ! Et “Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie”. La joie est , elle aussi un signe, un signe qui confirme que l’on est sur la bonne route. Si le signe met en route et conduit, c’est la rencontre qui change tout : ils entrent dans la maison et ils y rencontrent Celui qu’ils cherchaient sans le connaître, mais ils l’espéraient, car ils lui ont préparé des cadeaux qui lui correspondent parfaitement. Ils voient en lui un roi et c’est pourquoi ils lui offrent de l’or, un roi qui n’a rien à voir avec Hérode qui règne par le feu et le fer. Ils voient en Lui un roi qui unit. En effet il unit l’homme et Dieu. Il unit l’homme mortel, voilà pourquoi ils lui offrent de la myrrhe et Dieu, voilà pourquoi il lui offrent de l’encens ! Ils voient en Lui, Celui qui unit et accomplit toute chose !
- Alors à notre tour regardons les signes qu’il nous propose : avec Lui la fragilité et la force ne font qu’un, de même que le visible et ‘invisible, mais aussi avec Lui la vie et la mort seront unies. Noël prépare Pâques ! La vie qui habite ce nourrisson ne sera pas vaincue par la mort, mais plus encore elle montrera que la mort a un sens, elle est un passage vers la perfection de l’amour.
Alors ils s’en retournent par une autre chemin, ils sont guidés par une lumière qui leur est extérieure, ce sont eux désormais qui portent la lumière, ils sont des signes pour tout le monte. Et le 1er signe, est qu’ils sont en paix.
En conclusion c’est au cours du voyage de notre vie que nous découvrons que ce qui nous interroge et nous fait chercher, c’est ce qui a été dès l’origine semé en nous, c’est le surprenant amour de Dieu qui lorsque nous le laissons grandir, nous apporte la paix et la joie qui en est le signe. (Henri MIAILHE)
Sainte Famille : au-delà d’elle-même
Il y a des familles fermées sur elles-mêmes. Je pense à ces images où Joseph et Marie sont comme recroquevillés sur l’enfant Jésus. Pour le protéger sans doute des dangers du monde mais j’espère que ce n’est pas pour le protéger du monde. Car çà pourrait l’empêcher de grandir. On grandit en sortant du nid.
Samuel est très vite sorti du nid. Sa maman l’a très vite confié au Seigneur – et concrètement au responsable du sanctuaire de Silo, Eli. La famille de Samuel est une famille modèle : des parents qui s’aiment, qui se respectent, ne font pas la même chose. De plus, non seulement ils n’étouffent pas leur enfant par leur amour mais ils le poussent à s’envoler, à aller vers le Seigneur, Père de tous. Sa maman a vu en lui qu’il était un « fils de l’avenir » et qu’il ne leur appartenait pas. Sevré par elle mais éduqué par le prêtre Éli, il grandira, libre, et répondra au désir de Dieu.
Jésus, quant à lui, après l’épisode de Jérusalem, restera dans le nid familial à Nazareth mais il aura signifié à ses parents qu’il n’y a pas qu’eux. Il y a son Père des cieux. Et tous les autres. Une famille croyante, juive ou chrétienne, fait toujours une place à celui que l’on appelle « Notre Père qui es aux cieux… » Lié à la reconnaissance de ce lien très fort, il y a aussi les liens mis en place par les sociétés et qui sont les liens éducatifs. Pour le jeune Samuel, ce sera le prêtre Élie. Pour le jeune Jésus, c’est déjà les docteurs de la Loi – Loi où il a commencé à être éduqué, dans sa famille et à la synagogue de son village.
Vous l’avez remarqué. Jésus est « assis », position de l’élève ou du disciple. Il « écoute et il pose des questions », comme un bon élève pense-t-on. Ou comme un enfant qui a soif de connaître. Tous les enfants posent des questions à leurs parents et les écoutent. Parfois leurs remarques étonnent les parents qui – çà arrive – apprennent quelque chose d’eux ! Une famille, ce n’est pas seulement papa-maman-enfant(s). C’est papa-maman-enfant(s) et société, en particulier ce que nous appelons l’école, l’histoire, la tradition, la culture. Nous sommes tous les enfants d’une histoire, d’une tradition. La famille de Samuel, la famille de Jésus n’est pas recroquevillée sur elle-même. Elle est largement ouverte à au-delà d’elle-même. Et l’au-delà vient de loin, du passé, et va loin, vers l’avenir. L’au-delà est lié à Dieu dont l’amour parental – paternel aussi bien que maternel – donne les repères pour vivre libre et heureux.
Anne, la maman de Samuel, l’a bien compris. Marie et Joseph mettront un peu plus de temps. Il a fallu la décision de Jésus – conséquence de la liberté dans laquelle il a été élevé par ses parents, d’ailleurs. Il y a un avant et un après. Après, Jésus demeure « soumis » à se parents. Soumis mais autonome. Il leur a montré qu’il est libre et qu’il ne leur appartient pas. De même que nous ne nous ne nous appartenons pas. Il ne leur appartient pas, il a besoin d’eux et il les aime. De même que nous avons besoin d’aimer et d’être aimés. Nous avons besoin de liens affectifs, familiaux, sociaux, des liens qui n’emprisonnent pas mais qui rendent libres et heureux.
Marie garde en son cœur « tous ces événements ». Elle pressent qu’il y a là quelque chose qui la dépasse. Quelque chose sur laquelle, elle ne peut pas – pas encore – mettre de mots. Pas plus qu’elle ne peut mettre la main sur son fils et le retenir près d’elle.
Son fils est « fils de l’avenir », comme tous les enfants. Mais celui-là l’est de façon unique. (Gérard Billon)