15e dimanche ordinaire : les proches et le prochain…
« Qui est mon prochain ? » La question surprend. Nous répondons qu’il fait partie de nos proches, de notre famille, notre voisinage, notre pays… Mais le docteur de la Loi qui pose la question pressent que ce n’est pas suffisant… En réponse, Jésus ne donne pas de définition, il invente une petite histoire. Une histoire assez tranchée. Qui, parmi nous, voyant quelqu’un dans la peine ou la misère va « passer de l’autre côté » ? Une telle attitude est-elle possible ? Surtout quand on est quelqu’un de très pieux, comme nous et comme devaient l’être le prêtre et le lévite ?
L’attitude du prêtre et du lévite s’oppose à la compassion du samaritain. Celle-ci est le correspondant humain de la miséricorde de Dieu. S’il y a quelqu’un qui s’est fait proche d’une personne dans la peine ou la détresse, une personne victime du mal, c’est bien lui. Cette compassion de Dieu invite à « faire de même ».
Certains disent qu’il y a un ordre de l’amour : d’abord ma famille, mon voisinage, mon pays et ensuite tous les autres. Cela a fait d’un débat entre le pape François et le vice-président des États-Unis, J.D. Vance. En fait, en premier, pour les chrétiens, ce n’est pas la famille, c’est Dieu. Le véritable ordre de l’amour est d’ailleurs d’aimer Dieu en premier, puis s’aimer soi-même (notre être intérieur, notre âme), ensuite les proches, puis les autres et enfin son propre corps. L’amour pour nos proches n’excuse pas tout. Ainsi, si je dois mentir pour que mon frère ne soit pas accusé d’un mal qu’il a fait et dont j’ai été témoin, ce n’est pas justice. Ce n’est pas de l’amour mais de l’égoïsme. De même si l’amour de notre pays nous amène à rejeter des personnes qui ont fui une misère extrême, l’oppression ou la persécution.
Saint Thomas d’Aquin disait : « Dans certains cas, on doit, par exemple, aider un étranger dans une situation d’extrême nécessité, plutôt que son propre père, si celui-ci n’est pas dans une situation aussi urgente ». L’homme sur le bord du chemin est sans doute un habitant de Jérusalem, comme le prêtre et le lévite. Ils sont « frères » – même pays, même culture, même religion. Mais pour le Samaritain, cet homme est sans doute un étranger mais un étranger dans une « extrême nécessité ». Je viens de dire « sans doute ». Mais nous n’en savons rien. Cet homme, avant d’être un étranger, est un homme. Point. Il est mon semblable, ma propre chair, quel que soit son pays, sa culture, sa religion.
La conclusion de Jésus surprend : « Lequel des trois sa été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui », répond le docteur de la Loi. « Va et toi aussi fais de même », conclut Jésus.
Le docteur de la Loi demandait : « qui est mon prochain ? ». Jésus lui demande de se conduire en prochain.
Faire » de même » que le Samaritain n’est pas faire la même chose mais, avec son attitude, inventer ce qui doit être fait pour aimer, soigner, sauver. C’est ce que Dieu a fait, en Jésus, à notre égard. La tradition chrétienne a souvent assimilé le Bon Samaritain au Christ venu nous aimer, nous soigner, nous sauver. Aimer son prochain, c’est aimer Dieu.
Aujourd’hui, cette petite histoire permet de juger la qualité de notre amour envers nos proches. L’amour de nos proches nous rend-il aveugle à la misère des hommes ou réveille-t-il en nous la miséricorde ? Celle qui vient de Dieu, qui est déposée au fond de nous et qui déclenche les gestes de la générosité. (Gérard Billon)
14e dimanche du temps ordinaire. Entre le premier et le troisième cercle.
De tous ses disciples, ceux et celles qui l’accompagnent depuis le début de la prédication du Règne de Dieu, Jésus en envoie 72. Qu’il nous suffise de savoir que ce nombre évoque ceux qui entouraient Moïse lors de la marche du peuple dans le désert. Il n’y a donc pas seulement les apôtres. Leur mission est moins de préparer le chemin que de planter la réalité du Royaume de Dieu : libération du mal (Satan est vaincu !), souhait de paix, et joie profonde.
Les 72 connaissent Jésus pour l’avoir vu et entendu. Ce qui n’est pas le cas des gens des villes et des villages alentour. Ceux-là, celles-là auront (ou non) participé au Royaume de Dieu avant même de voir et entendre Jésus. Peut-être même que certains ne le verront jamais de leurs yeux de chair. C’est notre cas.
Cet envoi est une image de l’Église. Au centre : Jésus et les apôtres – comme l’autel est au centre de l’assemblée avec l’ambon où la parole des apôtres est proclamée. Autour, les 72. Pas seulement les officiants, mais nous tous. C’est un premier cercle. Les apôtres et les 72 ont connu Jésus et nous le connaissons par eux.
Un deuxième cercle, évoqué en filigrane dans l’évangile, est constitué justement de ceux et celles qui viennent des villes et de villages, qui n’ont pas connu Jésus de leurs yeux de chair mais qui sont devenus disciples pour avoir mis leur confiance sur les témoins du premier cercle. C’est aussi nous. Nous croyons en Celui en qui les Douze et les 72 ont cru.
Il y a un troisième cercle. Absent de notre assemblée. Constitué de toutes les personnes en-dehors de ces murs. Elles sont nombreuses. Elles attendent, elles espèrent. L’Esprit saint les travaille. Il nous reste à moissonner.
Dans l’Église, nous sommes à la jonction entre le premier cercle et le troisième. Les apôtres et disciples du premier cercle nous ont transmis les évangiles, les Écritures, l’art de célébrer et de vivre dans le royaume de Dieu en devenant porteurs de simplicité, d’accueil, de lutte contre le mal, de libération. En nous se sont éveillées, réveillées, la foi, l’espérance et la charité. Nous avons découvert que le Royaume de Dieu est tout proche. Nous sommes prêts à accueillir Jésus qui vient. Présent dans notre assemblée. Présent dans les paroles proclamées. Présent dans l’offrande du pain eucharistique. Avec lui, par lui, en lui, nous sommes prêts à aller au-delà de ces murs, vers le troisième cercle toujours mouvant, toujours changeant.
Avec les gens du troisième cercle, nous partageons le quotidien des jours et la faim d’un monde de justice et de paix. Notre mission est une moisson qui récolte ce qui grandit dans une attente. Elle commence par : « Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord Paix à cette maison. » Il faut à tout prix croire à la contagion de la paix : la souhaiter, c’est la faire grandir. Elle n’est pas reçue ? C’est dramatique, bien sûr. Mais le souhait est là. Il demeure. Nous pouvons partir ou être chassés et laisser la poussière de nos pieds, le souhait de paix reste. Qui sait si, un jour, il ne va pas fleurir ?
Nous ne pouvons l’imposer de force ! La paix est liée avec la libération, au salut, à liberté. Merci aux apôtres et disciples du premier cercle de nous permettre encore aujourd’hui de rencontrer Jésus et de nous préparer à l’annoncer. (Gérard Billon)
Dimanche des saints Pierre et Paul
Nous venons de chanter : “De toutes mes frayeurs le Seigneur me délivre” alors qu’aujourd”hui nous fêtons Pierre et Paul les 2 piliers de l’Eglise de Jésus-Christ.
Si vous voulez bien, nous allons voir ensemble que c’est leur vie toute entière qui enseigne que c’est le Seigneur qui nous délivre de nos peurs. Nous verrons d’abord qu’ils ont chacun vécu dans la crainte jusqu’à ce qu’ils se découvrent aimés de Jésus puis ensuite nous verrons la profondeur de la paix qui les habite. Ils ont d’abord vécus dans la crainte : Pierre est un homme qui est conduit par ses émotions, cela apparaît lors de la “Transfiguration” de Jésus, il veut dresser les tentes pour conserver cet instant heureux, ou bien lorsque Pierre témoigne de la divinité de Jésus comme nous l’avons entendu dans l’évangile pour que quelques versets plus loin contredire Jésus, ce qui lui vaudra une sévère réplique ; ou bien encore, lorsqu’il affirme avec force sa fidélité jusqu’à sa mort, avant de renier Jésus quelques heures plus tard. A suivre les errements de ses émotions Pierre finit par se perdre lui-même : “et il pleura amèrement”.
Paul, c’est l’opposé de Pierre, sa boussole à lui, c’est la loi ! Mais à cette loi, Paul donne un caractère absolu et alors son action n’apporte que persécution et mort. L’un comme l’autre laisse son tempérament le conduire, jusqu’à ce qu’il se découvre personnellement aimé par Jésus. Pierre mettra plusieurs années avant de faire cette découverte. Sur les bords du lac de Tibériade : “Pierre m’aimes-tu ? ” et Pierre répond “Seigneur tu sais tout, tu sais bien que je t’aime”. Pour Paul la découverte est fulgurante : Paul interroge : ” Qui es-tu Seigneur” et Jésus répond “je suis celui que tu persécutes”.
Ils ont chacun une manière particulière de découvrir l’amour de Jésus pour eux, mais pour aboutir au même résultat. La relation avec Jésus devient le centre, le cœur de leur vie… et une paix profonde vient les habiter. L’évènement de l’évasion de Pierre dont nous avons entendu les détails dans la 1ère lecture se situe environ 10 ans après sa rencontre avec Jésus. Pierre est emprisonné, menacé de mort, mais il est en paix, il dort, il dort si profondément que l’ange doit le “frapper sur le côté” pour le réveiller, nous dit le texte. Dans la 2ème lecture, voici Paul environ 30 ans après sa rencontre avec Jésus, et le “moment de son départ est venu” il va être décapité prochainement, il est lui aussi en paix, il regarde le chemin parcouru, et voit que c’est Son Seigneur qui lui a donné la force d’accomplir sa mission. Il sait que Jésus le fera entrer dans son “Royaume céleste”. Ce n’est pas une récompense, c’est la conséquence de leur amour mutuel. Pierre et Paul sont profondément en paix car ils savent désormais qui ils sont et où ils vont. Si dans un premier temps vivre leur tempérament a été la seule boussole de leur vie, après qu’ils se soient découverts aimés de Jésus, ces mêmes tempéraments se sont mis au service de son amour. Pierre et Paul sont devenus les pierres vivantes sur lesquelles Jésus a bâti son Eglise. Son Eglise qui est constituée de chacun de ceux qui découvrent l’amour de Jésus pour eux et qui décident de l’aimer à leur tour ! C’est pourquoi la puissance de la mort ne l’emportera pas, car tout amour qui sera lié sur la terre, sera lié dans les cieux.
Si vous avez le sentiment de ne jamais avoir ressenti l’amour de Jésus pour vous, vous pouvez dire qu Seigneur “J’attendrai aussi longtemps qu’il le faut et si tu ne viens pas, que ta volonté soit faite… Alors étrangement vous découvrirez que lorsque l’on est dans cet état d’esprit, il vient !