Paroisse Saint-Philbert-en-Noirmoutier
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13 octobre : pèlerinage à St Laurent-sur-Sèvre

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Abécédaire biblique

 

M. Pivert (Louis de Funès), alias “Rabbi Jacob”, ne connaît pas bien la religion juive. Nous, un peu plus ? Nous avons en commun la foi au Dieu unique et une grande partie de la Bible. Les Juifs parlent du TaNaK et les chrétiens de l’Ancien Testament.

Promenons-nous dans la Bible, tant juive que chrétienne, avec un personnage, de “Abraham” à “Zorobabel”. À Rabbi Jacob comme à chacun de nous, belle occasion de se rappeler quelques visages connus (ou non). Bonne lecture !

 

24 : le mot que vous voulez en cherchant dans une Bible….

 

23 : Z comme Zorobabel

Descendant de David, petit-fils du roi Jékonias (Joïakîn) qui a été déporté à Babylone en 597 av. J.-C., il est l’un des premiers à guider le retour des exilés vers 520 av. J.-C. (1 Chroniques 3,17-19 ; Esdras 2,2). Son nom est d’origine babylonienne (« semence de Babel »). Gouverneur de la Judée, il exerce le pouvoir avec le grand prêtre Josué. Les prophètes Aggée et Zacharie l’ont considéré comme un « messie » (Aggée 2,20-23 ; Zacharie 4,6-10). Un conte exemplaire, inséré dans le 3e livre d’Esdras (livre absent de la plupart des Bibles) en fait un page du roi perse Darius Ier, lequel, impressionné par sa sagesse, lui permet de rentrer à Jérusalem et de rebâtir le Temple. On ignore ce qu’il devient et ses descendants ne jouent plus aucun rôle politique. Après lui l’espérance messianique délaisse la sphère monarchique et plonge dans l’anonymat. Dans la généalogie de Jésus, Zorobabel ouvre une liste de gens inconnus qui mènent à Joseph. La lignée de Jésus est à la fois royale et populaire (Matthieu 1,12-16).

22 : Y comme Yaël

« Mais Yaël, femme de Hèber, prit un piquet de la tente, saisit un marteau dans sa main, vint près de lui doucement, et lui enfonça dans la tempe le piquet, qui alla se planter dans la terre. Sissera qui, épuisé, était profondément endormi, mourut. » (Juges 4,21) L’épisode s’inscrit dans l’une des parties les plus anciennes du livre des Juges. La femme prophète Débora (tribu d’Ephraïm) pousse le général Baraq (tribu de Nephtali) à combattre au mont Tabor le Cananéen Sissera et ses troupes (Juges 4–5). Vaincu, Sissera s’enfuit et demande asile à une femme non israélite, Yaël. Elle le tue par ruse. Le récit anticipe ceux de David et Goliath ou de Judith et Holopherne. Tous sont tissés par un même leitmotiv : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort » (1 Corinthiens 1,27).

21 : X comme Xerxès

Petit-fils du grand Cyrus, il dirige l’empire perse de 486 à 465 av. J.-C. De la pièce d’Eschyle, Les Perses (472 av. J.-C.), à la bande dessinée de Frank Miller, 300 (1998), sa réputation de morgue stimule les poètes. Le livre d’Esther en fait un héros romanesque, plus connu sous le nom d’Assuérus, manipulé par son ministre Amane mais retourné par la beauté d’Esther, la nouvelle reine, qui se met en danger pour sauver le peuple juif.

20 : V comme Véronique

Pour certains, ce nom serait une variation du grec « Bérénice ». Il y a bien une Bérénice dans le livre des Actes des Apôtres, mais elle n’apparaît que fugitivement lors du procès de Paul devant son frère Agrippa II (Actes 26,23). Il n’y a pas non plus de Véronique dans la Bible ! Alors ? Elle apparaît dans un écrit apocryphe tardif, l’Évangile de Nicodème, qui l’applique à la femme malade d’hémorragies et que Jésus a guérie (Marc 5,24-35 et parallèles). Plus tard, elle aurait essuyé le visage tuméfié de Jésus allant au Golgotha et le linge en aurait conservé miraculeusement l’empreinte – de là viendrait son nom, mélange du latin vera (« vraie ») et du grec eikôn (« image »). L’histoire est évidemment légendaire mais belle.  « En cet instant, fût-il imaginaire, où Véronique tend ce linge à Jésus pour qu’il essuie son visage maculée de la poussière de Jérusalem mêlée de crachats, de sang, de larmes involontaires, en cet instant l’image interdite de Dieu devient image d’adoration. » (Didier Decoin, Dictionnaire amoureux de la Bible, 2009)

19 : T comme Tobie et Sarra

Ils sont jeunes et beaux. Elle habite Ecbatane (en Médie). Il habite Ninive (en Assyrie). Elle est victime d’un démon qui fait périr ses maris la nuit des noces. Il est chargé d’une mission par son vieux père aveugle Tobith. Ils ne se connaissent pas, ils vont se rencontrer. Rédigé en araméen vers 200 av. J.-C., connu par ses traductions grecques, le roman de Tobie enchaîne les rebondissements. Où l’on apprend qu’un compagnon de route peut être un ange, que les anges (ici Raphaël) aiment l’incognito et que Dieu répond toujours aux prières, parfois de manière surprenante…

18 : S comme Satan

Le mot hébreu « shatân » dérive d’un verbe qui signifie « s’opposer ». Il est l’ennemi, l’adversaire-type. Le poète Goethe a une formule magnifique pour le définir : « Je suis l’esprit qui toujours nie » (Faust, 1808). Il n’apparaît cependant que trois fois dans l’Ancien Testament, à chaque fois pour éprouver les meilleurs des humains : Job le juste (Job 1-2),  le grand prêtre Josué qui, avec le gouverneur Zorobabel est en train de rénover le judaïsme (Zacharie 3,1-2) et le roi David qui désire recenser son peuple (1 Chroniques 21,1).

Matthieu et Luc racontent que, dans le désert, il a tout fait pour séparer Jésus de Dieu son Père (Matthieu 4,1-11 et Luc 4,1-13). Lors de la Passion, il se sert de Judas (Luc 22,3) alors même que la prédication de l’Évangile a signé par avance sa défaite irréversible : « Je voyais Satan tomber comme l’éclair… » (Luc 10,18). Le Tentateur est vaincu par la croix mais il reste actif : « Le Tentateur ne dit pas autre chose que cette voix / qui chuchote à rendre sourd / que si j’existe c’est par moi. » (Pierre Emmanuel, Tu, 1978)

17 : R comme Ruth

Étrangère, elle vient du pays de Moab. Veuve, elle choisit de suivre à Bethléem sa belle-mère Noémi, veuve elle aussi. Elle la soutient, glanant sans relâche le surplus des épis de blé dans les champs d’un parent de Noémi, Booz. Celui-ci la remarque et, touché, finit par l’épouser pour que se perpétue, selon la coutume, la famille du défunt mari. Leur fils Obed (« serviteur ») sera le grand père de… David ! Le roman historique de Ruth, composé après l’Exil, au Ve ou IVe siècle av. J.-C., souligne les liens entre le peuple de Dieu et les nations païennes. Le salut d’Israël, dit-il, est rendu possible grâce à la bonté d’une étrangère qui est entrée dans l’histoire de l’Alliance… « Ruth, magnifique figure féminine de l’amitié et de la solidarité dont les femmes peuvent se montrer capables entre elles – qualité que les hommes s’obstinent souvent à leur nier, par aveuglement, méconnaissance, mépris, ou, peut-être, crainte. » (Sylvie Germain, Vives femmes de la Bible, postface, 2007)

16 : Q comme Quirinius (recensement de -)

Selon les historiens, un recensement a été organisé par Quirinius, gouverneur romain de Syrie, en 6-7 de notre ère. Or, l’Évangile selon Luc l’anticipe d’une dizaine d’années et le situe sous Hérode le Grand, ajoutant, contre toute vraisemblance, que les gens devaient se déplacer. Ce qui apparaît comme une erreur historique de la part de Luc vise en fait une vérité cachée. Luc sait que le recensement correspond aux années d’enfance de Jésus. En bon théologien, il en attribue alors la décision à l’empereur Auguste dont la naissance était reçue dans toutes les régions du monde connu comme un « évangile », une bonne nouvelle. Regroupant les recensements périodiques de l’administration romaine en un seul, il confronte Auguste l’empereur « de la terre habitée » avec Jésus le Sauveur du monde ! Par ailleurs, s’il tient à Bethléem, c’est parce que c’est la « ville de David », berger devenu roi dont, comme Messie d’Israël, Jésus est l’héritier. Ainsi brosse-t-il l’identité de ce dernier. Dans un geste littéraire audacieux qui part d’un centre universel, Rome, pour aboutir à une mangeoire pour animaux, Luc nous amène à contempler, avec les bergers, celui qui, en vérité, n’est ni roi ni empereur mais, dans l’humilité la plus extrême et pour la suite des siècles, « le Sauveur, Christ et Seigneur » (Luc 2,11).

15 : P comme Paul

« En tout dernier lieu, [le Christ] est apparu à l’avorton que je suis. Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu… » (1 Corinthiens 15,8-10). Habituellement, Paul résiste à parler de lui. Dans la Première lettre aux Corinthiens, il n’évoque la rencontre personnelle du Christ que pour montrer la puissance de l’action de Dieu, la force de la grâce. Il n’y a rien d’anecdotique mais une plongée dans la profondeur d’un événement à jamais fondateur. Là est sa naissance, « avorton » qui, étonné, se découvre vivant…

Par la suite, ses lettres témoignent d’une personnalité toute livrée au Christ et à l’Évangile. Plus tard, dans les Actes des Apôtres, Luc tisse sa légende héroïque, en parallèle avec celle de Pierre. Juif de culture grecque, il s’appelle Saül (comme le premier roi d’Israël) et Paul (nom romain). Vers 34 le Christ ressuscité rencontré sur le chemin de Damas transforme le persécuteur en apôtre (Actes 9,1-19 ; Galates 1,15-16). Plusieurs voyages l’emmènent en Asie Mineure et en Grèce continentale, d’Antioche de Syrie à Antioche de Pisidie, de Jérusalem à Philippe, Thessalonique, Corinthe ou Éphèse. Les compagnons se succèdent : Barnabé, Silas, Timothée, Tite… Partout, il porte la parole de grâce et ses lettres, traversées par les tensions des jeunes communautés chrétiennes dans les années 49 à 60, sont devenues pour nous Parole de Dieu !

À Jérusalem, en 56, il est arrêté, emprisonné à Césarée, transféré par mer à Rome (Actes 27,1 – 28,15). Que devient-il ? La tradition dit qu’il a été décapité et il est honoré sur la via Appia. Figure essentielle du christianisme dont il est le premier écrivain, il a rendu compte de la foi chrétienne en continuité et en rupture avec la foi juive. Il a montré qu’il est possible de vivre dans le monde païen et de le transformer.

14 : O comme Onésime

Onésime est l’esclave d’un habitant de la ville de Colosses (Asie mineure, aujourd’hui Turquie) nommé Philémon. Dans l’empire romain du Ier siècle de notre ère, nombreux sont les esclaves. Butins de guerre, déserteurs, gens endettés, ils sont exclus de la classe des hommes libres. Qui nait esclave le demeure, sauf exception. Ils n’ont aucun droit mais, sous l’influence des réflexions philosophiques, la législation adoucit leur sort.

Envers Philémon, Onésime a commis une faute et est allé se réfugier près de Paul, un ami de son maître. Paul s’est attaché à lui et le renvoie avec un billet connu sous le nom de Lettre à Philémon. Que peut faire Philémon ? L’Apôtre ne lui impose rien mais lui rappelle ce que sont l’agapè, c’est-à-dire l’amour vécu en Christ, et la fraternité. À lui de décider. « S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi, combien plus le sera-t-il pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur. » (versets 15-16)

13 :  N comme Nabuchodonosor

Roi chaldéen de Babylone de 604 à 562 av. J.-C., guerrier redoutable, il a précipité la ruine de Jérusalem. Maître du Proche Orient, il investit la ville en 597, déporte le roi Jékonias (Joiakîn) et le remplace par son oncle Sédécias (2 Rois 24,10-17). Celui-ci se révolte. Nabuchodonosor revient détruire Jérusalem et incendier le Temple en 587.

Selon le prophète Jérémie, il a été l’instrument de la colère du Seigneur (Jérémie 25,9 etc.) à cause des péchés d’Israël. Dans le livre de Daniel, il est présenté comme un colosse aux pieds d’argile (Daniel 2,24-45). Un épisode étrange raconte qu’un jour, il a fait un rêve où il était devenu un animal herbivore (4,25-34), obligé de reconnaître la force du Dieu d’Israël qui « peut rabaisser ceux qui marchent dans l’arrogance » (4,34).

12 : M comme Marie-Madeleine

Son nom vient du village de Magdala, sur le bord du lac de Génésareth, et c’est l’une des femmes disciples de Jésus. Selon Luc 8,2, elle a éprouvé en elle le salut de Dieu, ayant été guérie de « sept démons ». Alors que d’autres ont fui, elle est là quand Jésus meurt. Elle est là aussi dans l’aube de Pâques. Selon Jean 20,11-18, pleurante, elle rencontre Jésus ressuscité qui l’envoie vers les Apôtres. Or, cette scène a une sorte de pendant. À Marie-Madeleine devant le tombeau correspond une autre Marie, sœur de Lazare et de Marthe, qui, lors d’un repas à Béthanie, verse du parfum sur les pieds de Jésus, anticipant ainsi sa sépulture (Jean 12,1-8).

L’imaginaire chrétien a confondu les deux Marie ! De plus, on a ajouté des traits pris à d’autres femmes (anonymes)  qui, elles aussi, ont versé larmes ou parfums sur la tête ou les pieds de Jésus (voir Matthieu 26,6-13 ; Marc 14,3-9 et Luc 7,38-39). La légende, interprétant les « sept démons », en a fait une prostituée repentie. Certains ont imaginé qu’elle a été amoureuse de Jésus. D’autres encore ont multiplié les épisodes de sa vie scandaleuse avant sa rencontre comme de sa vie de pénitence après. Rien ne tout cela ne correspond vraiment aux évangiles. La vérité évangélique est plus simple et plus profonde : elle a éprouvé en elle le salut de Dieu, elle vu Jésus mourir – alors que les autres disciples avaient fui – et, la première, elle a porté l’Évangile de la Résurrection, message de vie. Elle est « l’apôtre des Apôtres » (Hippolyte de Rome, vers 210).

11 : L comme Lazare

C’est un ami de Jésus, le frère de Marthe et de Marie. Tous trois habitent la banlieue de Jérusalem. L’Évangile selon Jean est le seul à en parler et raconte longuement son passage de la mort à la vie, son passage du tombeau fermé au festin partagé avec son ami qui est aussi son Seigneur (Jean 11,1 – 12,2). Son histoire permet à tous – Thomas et les Apôtres, Marthe, Marie et leurs amis – de se situer devant leur propre mortalité, devant le Dieu de la vie, devant Jésus. Jésus lui-même s’y montre profondément humain, immensément divin.

« Lazare, viens dehors » (Jean 11,43) : la parole créatrice du Verbe de Dieu en larmes fait surgir le mort du tombeau, lui redonne vie, liberté, mouvement. Ironie : au moment où Lazare revient parmi les vivants, d’autres fomentent la mort de son sauveur. Cette parole de vie sur fond de mort est, pour nous, appel à prier : « Sur ta parole / trois parmi les morts ont vu la lumière : / la fille du prince, / l’enfant de la veuve, / et Lazare sorti du tombeau à demi-décomposé. / Fais que je sois le quatrième. » (Grégoire de Nazianze, IVe siècle)

10 : J comme Jacob

Il est le dernier des patriarches, celui avec lequel se clôt la révélation du « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » (Exode 3,6). Au début du 1er millénaire av. J.-C., d’après les historiens, il était honoré dans le nord du pays, du côté de Béthel et Sichem. Ses aventures, transmises avant l’Exil comme la mémoire locale d’un groupe particulier, se seraient étoffées après l’Exil pour s’ajouter à celles d’Abraham. Genèse 25,19 à 35,15 met en scène sa légende de jeune homme tricheur, d’époux aimant, de père meurtri. Parti sans rien de la maison paternelle, il y revient des années plus tard, riche de biens et entouré de douze fils, ancêtres supposés des tribus d’Israël.

Le parcours d’Abraham est linéaire, le sien est chaotique. En conflit avec son frère Ésaü, avec son beau-père Laban, il voyage de part et d’autre du Jourdain, passe vingt ans à Paddane-Aram (Mésopotamie), revient en Canaan et meurt en Égypte. On est touché par l’affection de sa mère Rébecca, par son amour pour son épouse Rachel, par les tensions entre Rachel et Léa, son autre épouse, par les problèmes de ses enfants. Deux fois, Dieu se manifeste à lui au creux de la nuit. À Béthel dans un songe (Genèse 28,10-22) et à Péniel dans un combat au corps-à-corps (Genèse 32,23-33). Ce dernier épisode – où il reçoit comme nom Israël (« Dieu lutte ») – est un de ces récits phares qui explorent l’expérience de Dieu.

9 : I comme Isaac

Selon l’étymologie hébraïque, Isaac est l’enfant du « rire ». Ses parents, Abraham et Sara, ont largement dépassé l’âge raisonnable lorsqu’il est conçu. Sa naissance se passe donc entre rire dubitatif (Abraham en Genèse 17,17 ; Sara en 18,12) et rire d’allégresse (Sara en Genèse 21,6). Il y a aussi le rire des jeux avec son demi-frère aîné Ismaël (Genèse 21,9). Parmi les patriarches, son histoire est la plus brève, mais elle est marquée par l’épisode étonnant du sacrifice sur le mont Moriah où il marche en accord avec son père dans l’inconnu de la foi (Genèse 22 : « Isaac, comme il est dit, ne fut pas sacrifié / Il vécut de longs jours, il connut le bonheur / Jusqu’à l’heure où faiblit la lueur de ses yeux. / Mais à ses descendants il légua ce moment. / Ils naissent / Un couteau dans le cœur. » Haïm Gouri, « Héritage », poème 1960). Plus tard, Isaac épouse la belle Rébecca dont l’amour et la beauté le consolent de la mort de sa mère Sara (Genèse 24, 62-67).

8 : H comme Houlda, la femme prophète

Houlda est prophète – peu de femmes le sont. Le grand roi Josias, désemparé devant la lecture du “livre de l’Alliance”, va la consulter pour savoir ce que Dieu attend de lui (2 Rois 22,14). La Bible dit peu de choses d’elle, mais une tradition juive en fait une parente du prophète Jérémie, enseignant la Torah non seulement aux femmes mais aussi aux hommes. Avec Débora, la juge qui commande au général Baraq (Juges 4,6-10), ou Abigaïl qui étonne David par sa sagesse (1 Samuel 24,32), elle fait partie de ces femmes qui prennent les choses en main, autrement que les hommes et mieux qu’eux.

7 : G comme Gilgamesh

Ni le héros, ni ses exploits ne sont bibliques. Pourtant, s’il est une œuvre mésopotamienne qui a pu marquer les écrivains d’Israël, c’est bien la légende de Gilgamesh. Gilgamesh a existé. Souverain de la ville d’Ourouk (Basse-Mésopotamie) au IIIe millénaire av. J.-C., ses exploits ont fait l’objet d’un premier recueil légendaire, vers 1700 av. J.-C. Enrichie progressivement, l’œuvre a trouvé vers 1200 av. J.-C. une cohérence narrative qui l’a rendue très populaire pendant plus de mille ans. Cette élaboration sur des centaines d’années nous aide à comprendre comment des livres bibliques, comme la Genèse ou l’Exode, ont eux aussi été écrits, réécrits sur plusieurs siècles. Redécouverte en 1849 dans la bibliothèque du roi Assourbanipal à Ninive, l’Épopée de Gilgamesh nous touche par son humanité.  Vie et mort, amitié, sagesse et force, ces thèmes traversent aussi les Écritures saintes. Parce que le langage est celui du mythe (récit fondateur qui traite des grandes questions de l’existence), des motifs sont présents à la fois dans l’Épopée et dans la Bible : le serpent dérobant la vie (Genèse 3), le Déluge universel (Genèse 6–8), la vanité de toute chose (Qohèleth 9)… Grande différence : les divinités dans l’oeuvre mésopotamienne ont des réactions très humaines, alors que le Seigneur Dieu, dans la Bible, surprend toujours. Et il est unique !

6 : F comme Fils de David

Ce titre qualifie le Messie, en accord avec la prophétie de Natan qui affirmait que la descendance de David règnerait à jamais (2 Samuel 7,12-16). Or, pour les petites gens du temps de Jésus, telle la Syro-phénicienne qui supplie pour sa fille malade, le « fils de David » équivaut également à un nouveau Salomon, que la tradition considérait comme un puissant exorciste. Cependant, selon les Évangiles, cette dimension de guérisseur du mal s’efface devant une autre, plus politique.

Par exemple,  à Jéricho, le mendiant Bartimée, « fils de Timée » crie vers le « fils de David » (Marc10,46-52). A qui s’adresse-t-il ? Au guérisseur ? sûrement. Mais il en découvre la vérité de sauveur. Peu après, à Jérusalem, la foule en liesse crie : « Béni soit le Règne qui vient, celui de David notre père » (Marc 11,10). On entend là une dimension politique. Or, assis sur un ânon, Jésus se montre prince d’humilité. Quelques jours plus tard, roi bafoué et Messie crucifié, le « fils de David » est enfin reconnu comme « Fils de Dieu » (Marc 15,39).

5 : E comme Emmanuel

« C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous). » (Isaïe 7,14) Le nom est symbolique. La phrase est prononcée par le prophète Isaïe. Nous sommes à Jérusalem, à la fin du VIIIe siècle av. J.-C. Le roi Acaz a peur devant ses ennemis. Comme signe de l’engagement du Seigneur à ses côtés, le prophète Isaïe attire l’attention sur un bébé à naître : l’enfant n’aura pas atteint l’âge de raison que le danger sera écarté. En attendant il faut croire et tenir bon. Croire que le seul recours – le seul ! – est divin. Mieux : croire l’inconcevable, à savoir que le Seigneur, créateur de l’univers, maître du séjour des morts comme des plus hauts sommets, se fait proche, tout proche de son peuple malheureux.

Le prophète a raison. Après quelques mois, le danger est écarté. Des années plus tard, l’enfant au nom symbolique qui a été nourri du meilleur de la Terre promise – laitage et miel –, devient roi lui-même, auréolé des titres « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (Isaïe 9,5). Historiquement, il s’appelle Ézékias. Il a été un grand roi. Théologiquement, il reste l’Emmanuel, signe d’espérance. Les chrétiens disent que ce signe a rebondi dans l’histoire avec Jésus, présence éternelle de Dieu parmi les hommes : « Et moi, je suis-avec-vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Jésus à ses Apôtres selon Matthieu 28,20).

4 : D comme David

« Dieu a suscité David comme roi, et il lui a rendu ce témoignage : ‘J’ai trouvé David, fils de Jessé ; c’est un homme selon mon cœur qui réalisera toutes mes volontés’. » (Actes des Apôtres 4,22) En hébreu dâwid est le « bien-aimé ». Aimé de ses épouses – Mikal, Abigaïl, Bethsabée –, aimé du prince Jonathan, aimé de son peuple, aimé de Dieu.

Situé habituellement autour de l’an 1000 av. J.-C., il est l’ancêtre de la dynastie qui règne à Jérusalem jusqu’à l’Exil (587 av. J.-C.). Son histoire, fortement légendaire, couvre trois livres, de sa lente accession au trône (de 1 Samuel 16 à 2 Samuel 6) aux aléas de sa succession (2 Samuel 7 à 1 Rois 2). Dernier d’une grande fratrie, il est berger à Bethléem. Le prophète Samuel lui confère l’onction royale en secret. Jeune, méprisé, sa première action d’éclat est de sauver Israël du péril philistin ; seul, il terrasse le monstrueux champion Goliath avec un caillou, de l’audace et de la foi (1 Samuel 17). Modèle d’homme « selon le cœur de Dieu », il provoque des réactions opposées de jalousie (le roi Saül) et d’amitié (Jonathan, l’héritier du trône). David lui-même ne sera pas fidèle à ce portrait, en particulier dans l’« affaire » Bethsabée où il fait tuer le mari de la femme qui est enceinte de lui (2 Samuel 11). Plus tard, il y a loin de l’adolescent triomphant au monarque vieillissant qui, à l’approche de la mort, trame sa succession comme un complot (1 Rois 1–2). Le temple de Jérusalem, c’est lui qui, au faîtte de sa réussite, le conçoit, à défaut de le bâtir. Ce projet en rencontre un autre : celui de Dieu lui promettant une « maison » (dynastie) « à jamais » (2 Samuel 7). Et lorsque, quatre siècles plus tard, la royauté s’effondre durant l’Exil, la promesse divine se métamorphose en espérance messianique.

Le lecteur vibre à ses aventures. Il est ému par ses adieux à Jonathan (1 Samuel 20,41), par son respect pour Saül, premier « messie » du Seigneur (chap. 24 et 26), par son repentir après son meurtre (2 Samuel 12), par ses démêlées avec Absalom, son fils révolté (chap. 15 à 19). Avec sa grandeur et ses errances, il demeure un exemple. De roi, mais surtout de croyant. Le recueil des Psaumes lui en attribue fictivement 73 sur 150, ancrés parfois dans un épisode de sa vie. Le berger musicien, le fugitif ambitieux, le monarque meurtri dans ses sentiments d’ami, d’époux, d’amant et de père a su trouver les mots pour parler au cœur de Dieu. Ils nous sont désormais offerts.

3 : C comme Caïn

Fils premier-né d’Ève, conçu et enfanté après la sortie du jardin de l’Éden, il est l’auteur du premier meurtre, celui de son frère Abel (Genèse 4,1-16). Abel est aérien – ne serait-ce que par son nom (« buée, fumée ») –, Caïn est terrestre, travailleur du sol. Il refuse que son frère soit différent de lui et que lui-même soit différent de son frère. Il voit en Abel un rival aux yeux du Seigneur. Comme ses parents autrefois dans l’Éden, il préfère penser que le Seigneur le rejette, lui, le travailleur du sol, plutôt que de croire qu’il l’aime, d’une autre façon que son frère, mais tout autant. Là est son péché, tapi à la porte de son coeur. Pourtant, après le meurtre, le Seigneur le protègera, le marquant d’un signe pour qu’on ne le tue pas.

2 : B comme Balaam

« Balaam, fils de Béor, l’homme qui voyait les dieux » est un mage, un devin légendaire venu de Mésopotamie. Son nom apparaît sur une inscription araméenne du IXe ou VIIIe siècle av. J.-C. trouvée en 1967 sur le site de Deir ‘Allah, au débouché de la rivière Yabboq (Jordanie). Dans la Bible, il a laissé un souvenir mitigé.

Selon le livre des Nombres, il pousse les fils d’Israël à l’idolâtrie et il est puni pour cela (Nombres 31,16). Mais, dans le même livre, lors d’un épisode précédent, le Seigneur le choisit bien qu’il soit un païen ! Inspiré, Balaam se voit obligé de bénir le peuple d’Israël au lieu de le maudire comme on un roi ennemi le lui avait commandé. L’une de ses bénédictions porte sur un mystérieux astre royal, une étoile qui est comme l’annonce de David et, après lui, de Jésus(Nombres 24,15-19). Le récit biblique s’attarde avec humour sur son revirement. En effet, alors qu’il est en route, il ne voit pas l’ange de Dieu qui veut l’empêcher d’avancer vers le roi ennemi mais sa monture, une ânesse, elle, le voit ! Elle se cabre, il la frappe, elle proteste, une fois, deux fois et, enfin, lui ouvre les yeux. Délicieuse histoire où la bête parle et se montre plus clairvoyante que le voyant (Nombres 22,21-35) ! « [Cette histoire nous apprend] que la vérité peut fort bien sortir de la bouche d’un âne, […] la vérité n’est jamais si grande que dans l’humiliation de celui qui l’annonce. » (Christian Bobin, Le Très-Bas, 1992)

1 : A comme ABRAHAM

Juifs, chrétiens et musulmans s’inclinent : « Abraham mon ami » dit Dieu selon le prophète Isaïe (41,8). L’expression est reprise par la Lettre de Jacques (2,23) et le Coran (sourate 4, verset 125). Al-Khalil, « l’ami » en arabe, est d’ailleurs le nom de son tombeau à Hébron, marque topographique d’une aventure singulière. Nous ignorons quand il a vécu. Pourtant, la ville d’Hébron et ses environs gardent sa mémoire. Son histoire est contée dans la Genèse (chap. 11,27 à 25,11). Au début, il s’appelle Abram, sa femme, Saraï, et tous deux sont âgés.

L’intrigue est tissée de paroles et de chair. Dieu tire Abram du lieu où il habitait, lui parle et l’envoie : « Va ! Je ferai de toi une grande nation » (Genèse 12,2). Or la promesse se heurte à un obstacle : Saraï, l’épouse aimée, est stérile. Au fur et à mesure du chemin, la question rebondit : l’héritier sera-t-il Loth le neveu préféré, Éliezer le fidèle serviteur, Ismaël le fils né d’Agar l’Égyptienne ? Les dangers menacent : Saraï est emmenée dans le harem du Pharaon, Loth préfère la ri­chesse de Sodome, Agar la servante se moque de sa maîtresse… Abram et le Seigneur se cherchent, dialoguent, s’engagent. Pour appuyer son choix et sa détermination, Dieu conclut une alliance, et, symboliquement, modifie les noms : Abram devient Abraham, « père d’une multitude », et Saraï, Sara, « princesse » (Genèse 17,1-22). De plus, il donne un rite mémoriel (la circoncision) que tous les Juifs observent jusqu’à aujourd’hui. Enfin, quand il n’y a plus que l’attente, Dieu sollicite l’hospitalité et réalise l’impossible : Abraham accueille Dieu et dans le corps de Sa­ra se forme le corps d’Isaac. Plus tard, la parole divine demande l’offrande de la chair du fils (Genèse 22,1-19), comme si Abraham devait se déposséder de tout. Épreuve terrifiante de la foi où se jouent l’avenir de la promesse et la bénédiction universelle.

Dans ce long cheminement, la promesse d’une descendance se conjugue avec celle d’une terre, Canaan. En contrepoint, il apparaît que le bonheur de « toutes les familles de la terre » dépend du choix et de la réponse d’un homme, un seul : « Abraham mon ami ».

0 : Lire

 « [Moïse] prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : “Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons.” » (Exode 24,7). Après avoir reçu les paroles divines sur le mont Sinaï, Moïse les a écrites dans un livre. Vient le moment de la lecture devant tous : l’adhésion ou le refus du peuple permettra ou non l’Alliance tant désirée par Dieu. L’écriture est une première coupure d’avec l’événement, la lecture en est une deuxième qui, néanmoins, lui permet d’être réactivé. Dans le texte écrit, nous trouvons à la fois le passé salvateur et l’avenir fraternel. En les proclamant, la voix de Moïse les imprime dans la mémoire et le cœur de la communauté tendue par l’écoute. Aux oreilles de tous se déploient les caractéristiques du futur à bâtir sur la Terre promise.

Moïse disparu, le livre demeure. Il a été augmenté par les prophètes et les poètes. Il a pris chair en Jésus le Fils de Dieu. Aujourd’hui, le livre, Ancien et Nouveau Testament, est lu par morceaux et actualisé chaque sabbat dans les synagogues et chaque dimanche dans les églises et les temples. Il attend adhésion ou refus. Le monde qui s’y dévoile, voulu et espéré par Dieu, reste à accueillir et à construire.