Paroisse Saint-Philbert-en-Noirmoutier
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Homélie 4e dimanche de Carême : les deux frères

L’histoire inventée par Jésus n’est pas terminée. À votre avis, que va faire le fils aîné ? Qu’aurions-nous fait à sa place ? C’est un type bien, il est méritant, pas comme son frère qui n’a pas de plomb dans la cervelle – qui n’avait pas de plomb dans la cervelle. Il est droit, il essaie de bien faire. Comme nous.

Nous avons le choix : soit il se laisse convaincre par son père, rentre dans la salle des fêtes, se réconcilie avec son frère, soit au contraire, il campe sur ses positions de victime (son père ne e reconnaît pas à sa juste valeur pense-t-il) tourne le dos et claque la porte… L’attitude que nous lui donnons pour terminer l’histoire dit quelque chose de nous, de notre sens de la fraternité, du pardon, notre façon de voir Dieu…

J’aimerais avec vous revenir sur ces deux frères et sur leur père.

D’abord les frères. Il se ressemblent, malgré ce qui les sépare. Commençons par ce qui les sépare : l’aîné est un travailleur, sérieux, dur à la tâche alors que le cadet jette l’argent par les fenêtres. Pas difficile de conclure que le cadet est un « pécheur » alors que l’aîné, qui fait tout bien, n’a pas de péché.

Pourtant ils se ressemblent. Leur rapport à leur père est un rapport d’intérêt. Pour le fils cadet, c’est l’argent dans un premier temps et la nourriture ensuite : « traite-moi comme l’un de tes ouvriers ». Si lui est un ouvrier, alors on père est donc un patron, un gestionnaire d’entreprise. Quant au fils aîné, il éclate : « Je suis à ton service – à ton service, comme un salarié ! – sans avoir jamais transgressé tes ordres… »

Pour le cadet, le père est un bon chef d’entreprise : généreux, il donne du pain en abondance. Pour l’aîné, le père est un type réglo mais dur : il ne donne pas de chevreau pour faire la fête.

Les deux frères ont une image de leur père assez semblable : quelqu’un qui calcule, qui donne ou qui retient. En fait, ce sont eux qui calculent, qui jugent de tout à l’aune de leur mérites (pour l’aîné) ou de leurs fautes (pour le cadet)… Ils ramènent tout à eux, et même à leur ventre, qu’il s’agisse d’argent, de pain, de chevreau ou de veau gras.

Le père, lui, il ne pense pas à lui. Il va au-devant de chacun. Il sort de lui-même. Il court se jeter au cou de son fils cadet. C’est lui qui se jette à son cou, pas le contraire… Vis-à-vis de l’aîné, c’est lui qui sort de la salle des fêtes, c’est lui qui supplie, il n’envoie pas quelqu’un faire le travail.

Il a laissé son fils cadet partir. Il ne lui fait aucun reproche. Il n’oblige pas son fils aîné à rentrer dans la salle des fêtes. Il laisse libre, il rend libre. Il tente de rendre libre son aîné prisonnier de ses mérites.

C’est celui qui n’a pas péché qui se révolte. Sa rigueur s’est muée en raideur. Sa droiture s’est muée en jugement et en condamnation. Il montre qu’il est pécheur, autrement que son frère, mais de façon plus dramatique, plus profonde.

Devant nos têtes baissées par la honte d’avoir mal agi (comme le fils cadet), devant nos colères de gens qui pensent qu’ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur (comme le fils aîné), Dieu ne fait pas la morale.

Il nous invite à nous réconcilier, mais il ne veut pas nous y obliger… (Gérard Billon)

 

3e dimanche de carême : rencontrer Jésus et changer de regard

C’est près d’un puits que Jésus et la Samaritaine se rencontrent. C’est aussi près d’un puits, celui des Écritures, que nous échangeons avec Jésus, que nous buvons une eau vive, avant qu’il nous donne le pain de la vie éternelle. De la rencontre, Jésus et la Samaritaine sortiront tous les deux changés. Chacun s’est laissé rencontrer par l’autre. Que ce soit la même chose pour nous.

On commence par du banal, du quotidien : Jésus dit à la femme « tu peux me donner un peu d’eau, s’il te plaît ? ». Et on aboutit à de l’extraordinaire : « ce juif qui n’a pas honte de me parler, eh bien, je crois que c’est le Christ, le Messie, l’envoyé de Dieu. »

Au fur et à mesure de la conversation, la femme a changé son regard sur l’homme qu’elle avait en face d’elle et, en même temps, elle a changé son regard sur elle-même. Dès le début, nous devinons qu’elle ne veut voir personne (venir puiser de l’eau à midi !), puis nous apprenons que sa vie affective est un échec et, enfin, qu’elle a soif d’autre chose…

Au fur et à mesure de la conversation, Jésus lui aussi a changé son regard sur lui-même et sur sa mission. Sur lui-même : pour la première fois de l’évangile, il accepte de reconnaître qu’il est le Christ, l’envoyé des derniers temps. Sur sa mission : l’Évangile, la révélation de Dieu, ce n’est pas uniquement pour le peuple choisi – dans la première lecture, Dieu choisit Moïse pour libérer son peuple – c’est aussi pour les étrangers, les samaritains, les marginaux…

Ce matin, nous ne sommes pas en Samarie. Mais il y a bien une sorte de puits, le puits des Écritures et, pour accompagner l’eau vive, il va avoir le pain, le pain de « la » vie. Chaque dimanche est une rencontre entre Jésus et chacun de nous et, grâce à nous, à une communauté. Au fil du temps, les regards que nous avons sur lui, sur nous-mêmes, sur notre communauté, notre Église, notre monde, peuvent changer. Il frappe à la porte de notre intelligence et de notre cœur : « Qui as-tu rencontré ou laissé de côté hier, avant-hier ? » « À qui as-tu donné (ou refusé de donner) un peu de consolation ? »

En cette femme à la vie chaotique, Jésus a vu l’invisible, l’identité profonde, une personne assoiffée de vérité, une autre personne que celle qu’on croyait – ou qu’on lui faisait croire. En chacun de nous, il voit ce que nous sommes en vérité. Il voit ce que notre communauté pourrait être en vérité. (Gérard Billon)

 

1er dimanche de Carême : face au Tentateur

Vous avez bien entendu : Jésus a eu faim au bout de quarante jours. La plupart d’entre nous n’auraient pas tenu tout ce temps. Indice que la faim en question n’est pas physique. Comme pour nous, en ce temps de Carême, la faim, profonde, est d’un autre ordre. Lequel ?

La deuxième tentation prolonge la première et nous donne un indice : la faim de réussir à faire le bonheur de l’humanité. « Tu es Fils de Dieu, ta puissance est infinie. Tu l’as reçue de ton Père et moi j’ai reçu un autre pouvoir, celui de rassembler toute l’humanité et de ta donner. J’ai le pouvoir de mettre l’humanité devant un choix : vivre dans la confiance en Dieu, avec une liberté toujours fragile – difficultés, conflits et malheurs divers – ou bien me faire confiance à moi pour vivre heureux, avec le pain, la musique, le confort. Et toi, tu es béni, tu es l’homme providentiel. Je te mets devant un choix : la confiance en ton Père ou en moi. Faire confiance à Dieu ne va pas sans doutes ni sans questions. On ne sait jamais bien ce qu’il pense, ce qu’il veut. Me faire confiance à moi est clair : tu as la possibilité de rendre les hommes heureux – certes ils doivent renoncer à discuter, à prendre leur vie en main, ils doivent renoncer à faire des erreurs, renoncer aux risques de la vie. C’est tellement plus confortable ! »

Jésus choisit de faire confiance à Dieu. Il choisit le choix. Il choisit le risque, le risque de se tromper – qui es aussi le risque de ne pas se tromper, le risque la vérité – il choisit le risque du rejet, le risque de à mort.

« Le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé ». Ce moment est celui de la mort sur la croix où, par la bouche des prêtres juifs puis des soldats romains et enfin celle d’un des malfaiteurs crucifiés, les tentations vont revenir : « Si tu es le Messie, si tu es le Fils de Dieu, si tu es l’Élu, choisi, aimé par Dieu… montre-nous que tu peux échapper à la mort ». « Et nous te suivons ». Jésus n’a pas voulu de foule qui s’incline devant lui Il n’a pas échappé à la mort. Le prix de notre salut. De notre liberté.

Si Jésus avait choisi de se jeter du haut du Temple, Dieu aurait-il envoyé ses anges ? Aurait-il protégé son Fils ? Bien malin qui peut répondre… Lors de la troisième tentation, Jésus choisit de ne pas savoir. Il choisit de renoncer à faire du chantage à son Père, style : « Montre-moi que tu m’aimes, que tu es avoir moi, que je peux apporter paix, joie et lumière au monde. » Si Jésus avait tenté son Père, s’il lui avait fait du chantage, le diable aurait gagné. Il aurait séparé le Fils de son Père, il aurait tué la foi, le risque, le salut, la liberté.

Dans le doute, dans les difficultés, dans nos peurs, ne faisons pas de chantage à Dieu. Nos demandes, nos prières sont des actes de confiance : « Je ne comprends pas toujours que tu désires, mais ta parole cherche à me guider, je le vois bien. Ton pain désire le réconforter sur la route. Merci. » (Gérard Billon, curé)

 

 

 

8e dimanche temps ordinaire. Mi-figue, mi-raisin

« L’arbre se reconnaît à ses fruits ». A ben Sira, Jésus ajoute du « bon fruit ». D’où une conclusion en forme d’examen de conscience : sommes-nous de bons arbres ? Quels fruits produisons-nous ? Du bon et beau raisin ? De belles et bonnes figues ?

Se regardant dans la glace, en vérité, il y a de grandes chances que l’on dise : oh, pas toujours, parfois, oui, ce que je fais, c’est pas mal… oui, ça m’a demandé de l’effort, oui, c’est mieux que je pensais, ça a donné du bonheur, du goût, de la saveur à d’autres… La figue et le raisin sont des fruits sucrés, goûteux, pleins de soleil, mûris au fil des mois… Oui, il a pu nous arriver de donner du goût à la vie, de rendre celle des autres, celle de ceux que nous aimons, plus douce, plus légère, moins lourde à porter…

Plus souvent, devant la glace, on se dit quand même, aujourd’hui, hier, ça n’a pas été terrible, quelle occasion ratée, quelle attitude mesquine j’ai eu, quel idiot je fais. J’aurais pu donner du goût à la vie, et, par ma faute, ça a raté… La paille dans l’œil des autres, çà je sais voir ! Sans doute passons-nous une partie de notre vie, devant le Seigneur, à considérer que nous sommes parfois de bons arbres fruitiers et plus souvent buisson d’épines ou de ronces…

Alors la Parole de Dieu ce matin, par l’intermédiaire de Sira le sage, par l’intermédiaire de St Luc quand il parle de Jésus, a une tonalité à la fois sérieuse et amusée, on pourrait dire “mi-figue, mi-raisin”.

Sérieuse, la Parole de Dieu car elle ne tourne pas autour du pot, elle va à l’essentiel, elle vise à l’exigence de vérité : « qui es-tu ? quel goût donne-tu à la vie de tes frères et sœurs ? Dis-moi quel est ton maître ? Argent ? Amour, gloire, beauté ? Quel est ton maître ? Ton petit égo ? Ton corps ? Les idées ? Dis-moi quel est ton maître ? Jésus, dis-tu ? Celui que tu es venu rencontrer à nouveau ce matin ? Lui que tu as déjà rencontré maintes et maintes fois cette semaine, incognito… » Ton maître, c’est un corps, un visage. Mais pas le tien, celui d’un autre…

Amusée, la Parole de Dieu car elle use d’une image surréaliste : la paille et la poutre… Une poutre, et puis quoi encore ? Et de la poutre on passe à l’arbre, de l’arbre au fruit, des fruits au trésor, du trésor au cœur. Logique, logique, amusant, mais pas drôle… pas vraiment. Parce que ça culpabilise un peu, quand même, de savoir qu’on a peut-être une poutre dans l’œil, et que, dans notre cœur, il y à la fois des figues et des épines, du raisin et des ronces…. Ca a toujours été comme ça.

La Parole de Dieu, mi sérieuse, mi-amusée, mi-figue, mi-raisin, le sait bien, tout ça. Et nous savons bien qu’elle peut faire des miracles. Transformer l’eau en vin, nourrir une foule avec cinq pains. Alors pourquoi pas faire pousser des figues sur des épines, du raisin sur des ronces ? Pourquoi pas de notre cœur mauvais, tirer du bon et du beau ?

Il suffirait d’un geste de notre part, un geste de foi : « Jésus, Fils de David, aie pitié de nous. » Ou bien « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. » Et je serai guéri. Et je produirai du bon et du beau. (Gérard Billon)