ARCHIVES ÉDITORIALES de l’année liturgique A, 2022-2023
Octobre: Les chrétiens dans le monde
La première session du synode des évêques catholiques se déroule à Rome du 4 au 29 octobre : « Pour une Église synodale : communion, participation, mission ». Une large consultation a fait apparaître bien des tensions. Une deuxième session aura lieu en 2024. La question centrale est celle-ci : comment marcher ensemble comme peuple de Dieu dans la diversité des baptisés ?
Le « marcher ensemble » à la suite du Christ a été une épreuve pour la foi des apôtres. Au terme, renouvelés par la nuit de la croix et le matin de Pâque, envoyés au jour de la Pentecôte, ils sont devenus l’âme du monde – dans la ligne de ce propos d’un prédicateur grec anonyme du 2e siècle de notre ère :
« Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas un dialecte étrange, leur genre de vie n’a rien de bizarre. Ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine d’origine humaine.
Ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans leur patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils participent à tout comme des citoyens, et se soumettent à tout comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère.
Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On ne les connaît pas, mais on les condamne ; on les tue et c’est ainsi qu’ils trouvent la vie. Ils sont pauvres et font beaucoup de riches. Ils manquent de tout et ils ont tout en abondance. On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils y trouvent leur justification. On les insulte, et ils bénissent. […] Ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. » (extrait de la Lettre à Diognète , fin du 2e siècle)
Septembre 2023 : Tout est lié !
Le mois de septembre est mis sous le signe de la création, de notre relation avec le Créateur. Et le pape François fait paraître une mise à jour de son encyclique Laudato si’ sur l’écologie intégrale. Sur le fond, rien de changé : « tout est lié », la sauvegarde de la terre, notre maison commune, et le souci des blessés de nos sociétés. Sur la forme, soulignons que le pape considère que son encyclique n’est pas gravée dans le marbre, qu’elle veut tenir compte des problèmes actuels.
Cette nouvelle est un clin d’œil pour notre doyenné et notre paroisse. Notre doyenné, avec ses sept paroisses toujours tentées de se replier sur elles-mêmes. Notre paroisse, toujours tentée de vivre sur ses acquis et les réussites du passé. Car il y a des réussites ! Qu’il suffise de penser à la joie de nos célébrations de cet été, îliens et vacanciers rassemblés, au succès des soirées Blanc-Moutier, au retour des JMJ…
Deux événements sont là pour nous tirer en avant : le Congrès Mission, fin septembre et le rassemblement Kerygma, fin octobre.
Le « Congrès Mission », décentralisé, a lieu près de chez nous, à Nantes, à partir du 29 septembre. Il est le rendez-vous de ceux qui souhaitent annoncer l’Évangile. Avec tables rondes, ateliers, témoignages. Pour que nos communautés paroissiales se renouvellent comme des églises « en sortie ». Tout le monde peut y participer ! Notre dimanche de « rentrée » le 1er octobre saura bénéficier de son dynamisme.
Le rassemblement « Kerygma » à Lourdes, du 20 au 23 octobre, rappelle qu’il n’y a pas de mission sans proclamation et témoignage. Le « kérygme » vient d’un mot grec qui veut dire « proclamation » : nous proclamons par notre vie et nos paroles que Jésus ressuscité est présent au cœur du monde ! Pour cela, approfondir notre foi, avec les mots et expériences d’aujourd’hui, est capital. D’où la mise en route, en octobre et novembre de soirées bibliques sur l’Apocalypse (octobre) et d’un nouveau parcours Alpha (novembre). Christ est vivant, nous en sommes témoins !
Juin 2023 : Damien Jaillet, prêtre
Le dimanche 18 juin, Damien Jaillet est ordonné prêtre par Mgr François Jacolin à la cathédrale de Luçon. L’été 2021, peut-être l’avez-vous aperçu sur notre île où il a passé trois semaines en rendant un service pastoral. Actuellement, comme diacre, il fait partie de l’équipe pastorale de Challans.
Il va être « ordonné », c’est-à-dire qu’il va entrer dans l’ « ordre » (du latin ordo, corps constitué) des prêtres. Prêtres et diacres autour de l’évêque sont au service de l’Évangile. Ils essayent de faire grandir l’Église en un territoire donné, appelé « diocèse ». Faire grandir l’Église du Christ est d’abord du ressort de l’Esprit saint. C’est pourquoi, lors de la célébration, l’Esprit saint est invoqué dans une grande prière de consécration dite par l’évêque. L’Esprit est aussi invoqué par le rite du « saint-chrême » (huile sainte), comme lors du baptême et de la confirmation.
Après plusieurs années de réflexion et de formation, Damien s’est proposé à notre évêque. Il s’est en quelque sorte dépouillé de sa décision. Il a remis son avenir à son jugement. L’évêque le reçoit et c’est une grande joie pour lui et pour notre Église en Vendée. Cette humilité fait partie du ministère de prêtre. « Ministère » veut dire « service ». Les prêtres sont des domestiques au service du Christ, de l’Église, de la vie du monde.
Le service est accomplissement du baptême. Il comprend écoute des appels du monde, collaboration avec les chrétiens laïcs, fraternité avec les prêtres et diacres du diocèse, enseignement et catéchèse, prière, présidence de l’eucharistie et des sacrements.
« La vie d’un prêtre est avant tout l’histoire de salut d’un baptisé. La tentation est toujours grande de vivre un sacerdoce sans Baptême, c’est-à-dire sans se rappeler que le premier appel est celui à la sainteté. Être saint, c’est se conformer à Jésus et permettre que les sentiments qui sont les siens battent dans notre vie (cf. Ph 2, 15). Ce n’est que lorsque nous cherchons à aimer comme Jésus a aimé que nous rendons Dieu visible nous aussi, et que nous réalisons notre vocation à la sainteté. » (Pape François, février 2022) (Gérard Billon, curé)
Mai 2023 : De Joseph à Marie…
Le mois de mai commence par la fête des travailleurs et des revendications sociales, ce 1er mai que l’Église catholique a mis sous le patronage de saint Joseph, humble artisan du bois. Il se termine, le 31 mai, par la fête de la visitation où Marie et Élisabeth se reconnaissent humbles servantes du Dieu tout puissant car tout amour.
Le mois de mai est le mois des humbles. Ils sont les plus grands aux yeux de Dieu car les plus à même d’accueillir sa bonté – on dit aussi sa « miséricorde ». Joseph et Marie font partie d’un peuple, le peuple d’Israël, choisi parmi tous… parce qu’il était le plus petit : « le Seigneur élève les humbles », « Il relève Israël son serviteur » ! Il nous relève.
Par le choix que Dieu a fait de lui, par sa réponse de foi, Joseph concentre sur lui la bonté humaine, l’accueil et la protection de toute vie.
Par le choix que Dieu a fait d’elle, par sa réponse de foi, Marie récapitule les drames et les joies de toutes celles qui ont bénéficié de la bonté du Seigneur Dieu et qui ont permis à la vraie vie de se répandre, depuis Sarah, l’épouse d’Abraham, jusqu’à Élisabeth, la femme stérile rendue à la joie. La vraie vie est paix et la paix est combat.
« On n’est pas mère par la matrice, on l’est par l’esprit et le visage ouvert. Pas de maternité qui ne reçoive, grâce à un seul enfant, le monde entier comme un enfant, et ne pose sur lui les gestes arrondis de la chaleur, de la nourriture, de la sollicitude. Pas de maternité sans le vœu ardent de la paix, parce que chaque violence commise dans le monde meurtrit sa chair profonde, et inscrit d’irrémédiables blessures. […]
Marie est la révolte contre le jeu des instincts et l’habitude de la guerre. Un amour qui tolèrerait ou commanderait la haine et sortirait ses griffes serait hostile même à l’enfant qu’il prétend chérir. Ce sentiment règne seul ou ne règne pas. Par nature il est infini et total. » (France Quéré, 1996) (Gérard Billon, curé)
Février 2023 : Tant qu’on a la santé…
« Comment va la santé ? » La demande est habituelle quand on rencontre un ami que l’on n’a pas vu depuis quelques temps. Il y a une autre formule, une sorte de dicton : « Quand la santé va, tout va ». Ces paroles toutes ordinaires, nous les prononçons avec plus de délicatesse (ou nous ne les prononçons pas) quand, justement, la personne en face de nous n’est pas en bonne santé !
Le 11 février, nous sommes invités à nous tourner vers nos frères et sœurs malades et le 12 février vers tous les soignants actifs ou retraités.
Bien des chrétiens s’engagent dans les visites aux anciens, aux personnes isolées, handicapées. Des offices dans les EHPAD ont lieu chaque semaine. Prier « pour » est nécessaire, prier « avec » l’est encore plus. Et que serait une prière s’il n’y avait pas les liens de l’amitié – qui, parfois, mettent du temps à se tisser ? Les membres du Service évangélique des malades le savent : il s’agit moins « d’apporter » que d’écouter, être là, recevoir…
Chrétiens et non-chrétiens sont au coude à coude parmi les soignants – praticiens de tous ordres, infirmier-e-s, aides-soignant-e-s, personnel de service, administratifs. Ces derniers mois ont vu leur courage… et leur épuisement. Sur ce plan, notre île n’est pas isolée. Les soignants aussi ont besoin de soins…
Nos célébrations du dimanche de la Santé vont unir malades et soignants. Et nous nous tournerons vers le Seigneur, « médecin » des corps et des cœurs. « On vous a dit…, moi je vous dis… », ces paroles qui suivent les « béatitudes » sont un appel à aimer toujours plus et mieux, non seulement avec générosité, mais avec compétence. La parole de Jésus, sa « loi » qui trace un chemin de vie (parfois escarpé), fait grandir et rend libre. Elle est notre salut, elle participe à notre santé tant du corps que du cœur car, nous le savons, tout est lié.
La maladie fait partie de notre expérience humaine. Le soin aussi. Malades et soignants, nous marchons ensemble. Et si quelqu’un doit s’arrêter en raison d’un incident, d’un faux pas ou de la fatigue, les autres sont là pour le soutenir. Marcher ensemble, ce n’est pas chacun pour son propre compte. Le Seigneur Jésus nous a rejoints et continue de nous rejoindre à travers l’expérience de la fragilité, des limites physiques. Il nous a rejoints et continue de nous rejoindre dans le souci des autres, quels qu’ils soient. Agissants ainsi à sa suite, les chrétiens pourront témoigner que, dans sa fragilité, Dieu « est proximité, compassion et tendresse » (pape François). (Gérard Billon, curé)
Janvier 2023 : La bonne étoile
Au début, les mages se sont trompés : le Messie n’est pas né dans la fière Jérusalem. Il a préféré un village de faubourg au nom symbolique de ce que Dieu nous donne. Bethléem signifie en hébreu « maison du pain ». Or, en arabe, il signifie « maison de la chair ». Sans le pain, notre chair dépérit ! « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » demandons-nous à Dieu notre Père. Lequel répond que notre chair ne se nourrit pas seulement de pain. De quoi alors ? De toute parole qui sort de la bouche de Dieu dit l’Écriture sainte. Pour arriver à la « maison du pain » et « de la chair », les mages ont du se plonger dans l’Écriture (ils ne la connaissaient pas avant) et ils ont repris le bon chemin ensuite. Grâce à leur écoute, la Parole de Dieu est devenue joie, beauté, lumière. Leurs cadeaux ont été des éclats de lumière (l’or), des parfums pour embaumer la maison (encens), des ajouts naturels pour donner de la douceur au vin de la fête (myrrhe). Les sens que sont la vue, l’odorat, le goût ont été exaltés !
En 2023, que nos sens soient exaltés. Que nos oreilles sachent écouter la Parole de Dieu. Que notre toucher puisse ouvrir le livre des Écritures et qu’il puisse créer de l’amitié en serrant les mains. Que nos actes répandent la bonne odeur de la fraternité. Que nos yeux deviennent plus vifs pour repérer les joies et les peines de notre monde. Que notre goût se délecte du pain eucharistique, si simple, si vrai.
Cette année 2023 est l’année du Synode sur le « marcher ensemble » ou, selon le jargon théologique, sur la « synodalité ». Nous réfléchissons à cette marche depuis deux ans, ministres ordonnés et laïcs, hommes et femmes, religieux ou non, enfants ou anciens. Déjà de timides changements se font jour dans nos relations. Cette année 2023 est aussi l’année des JMJ à Lisbonne. La jeune génération se retrouvera demain en responsabilité dans la société et dans l’Église. Déjà, certains font des choix pour une écologie quotidienne, pour habiter autrement notre planète, « maison commune » abimée par le mépris et le profit.
L’Esprit de Dieu nous guidera. Comme il le fait toujours. Il est notre bonne étoile. (Gérard Billon, curé)
Décembre 2022 : Dieu « avec-nous »
Noël est la fête de l’immersion de Créateur dans sa création. En Jésus, Dieu se remet entre nos mains. Il se confie à nos soins, à notre amour. Avant de nous soigner à son tour et de nous montrer tout son amour.
Le Dieu unique, maître des temps et de l’Histoire, s’inscrit dans une famille, une société, une histoire. Il vient vers nous, au milieu de nous. Il se mêle à nous. Sans tambour ni trompettes. Sans rien de spectaculaire. Sa présence, banale aux yeux de l’administration romaine, devrait être considérée par nous comme un miracle permanent : Emmanuel, « Dieu-avec-nous » !
Au cours d’une vie, bien des gens sont « avec-nous » : nos parents, nos fratries, nos amis, nos conjoints, nos enfants, nos collègues de travail, de loisir, nos compagnons de combat. La présence d’un père, d’une mère, rassure l’enfant : « Je suis là, tu n’as pas à avoir peur… ». Ce « avec-nous » se transforme au fil du temps : un jour, les oiseaux volent de leurs propres ailes. Mais ils ne coupent pas les ponts. Ils sont là. Autrement.
Aujourd’hui, Jésus l’Emmanuel est toujours avec-nous, à nos côtés, solidaire, fraternel. Sa présence est multiforme. Dans le pain eucharistique consacré et distribué bien sûr, mais aussi dans la Parole proclamée, reçue, méditée. Dans les appels – criants ou non – des laissés pour compte. Dans la communauté rassemblée. Dans la création qui gémit en attendant la fin des temps. Depuis notre baptême, parce qu’il s’est immergé dans notre humanité, Jésus nous « sauve » de nos égarements et s’engage à rester à nos côtés, à agir avec-nous. Il sait comment.
Jamais sa présence n’est encombrante. Parfois à un parent, à un ami trop insistant, nous avons envie de dire : « laisse-moi respirer ! » ou « lâche la pression ! » Avec Jésus Emmanuel, pas de pression, nous respirons… Il nous rend libre, il fait grandir notre liberté, il nous apprend à résister au mal, à la peur, au découragement…
À Noël, en Jésus Dieu apprend à nous connaître. Il apprend comment mieux être « avec-nous ». Accueillons-le, il nous accueille. Soignons-le, il nous soigne. Aimons-le, il nous aime. Et chantons-lui une berceuse…
Novembre 2022 : « Heureux les… »
Entendre les béatitudes le jour de la Toussaint est un appel à un sursaut joyeux, celui-là même qui nous saisit à l’écoute du jugement dernier le jour du Christ-Roi. Le drame des « maudits » est de n’avoir pas « vu », de n’avoir pas supporté de voir la détresse des humiliés qui sont « notre propre chair » et auxquels Jésus s’est identifié à jamais.
Le dimanche 20 novembre est celui du Secours Catholique dont nous connaissons les activités sur l’île. Nous célébrerons aussi la Journée mondiale des pauvres. Nous pouvons parfois être découragés par les situations, humaines, économiques, et nous savons bien que les efforts individuels ne résolvent pas les failles de nos structures.
Structures de la société, structures de l’Église. A un an du prochain synode romain des évêques, des remous sont provoqués dans divers pays par la consultation du peuple chrétien. Il va être difficile de rééquilibrer les relations entre hommes et femmes, entre les laïcs et ces serviteurs que sont les « ministres » ordonnés (évêques, prêtres, diacres). Au milieu du siècle dernier, l’Église se croyait puissante. Elle voit maintenant ses faiblesses, ses égarements. Aujourd’hui, ses yeux s’ouvrent et çà fait mal.
Le Roi des cieux est pauvre, il nous juge, il nous responsabilise, il nous regarde, il espère en nous. Nous pouvons être malheureux de la situation de notre Église – et particulièrement de notre Église en Vendée. Nous passons au feu de l’épreuve. Le temps est venu de réentendre le vent des béatitudes. Nous avons affublé Jésus d’oripeaux clinquants pendant des siècles. Alors qu’il est si simple, si proche, si humain… Gérard Billon, curé